Histoires de frontières
Balade dans la vallée des Aldudes, du col de Mehatze au col de Lindus, le long de la frontière franco-espagnole en compagnie d'Emmanuel IÑARRA, médiateur du patrimoine au C.E.P. Ospitalea d'Irissarry.
Cette sortie avait pour but d'aborder le patrimoine présent le long de la frontière, les querelles de territoire et les événements militaires des époques révolutionnaire et napoléonienne.
Au col de Mehatze, nous avons parcouru plusieurs centaines de mètres à pied pour nous rendre sur le premier site, l'entrée d'une galerie antique (découverte par Denis Oronos et Gilles Parent) jusque là inconnue des archives. Cet ancien site minier (minerais de fer et de cuivre) ouvert en 2012, date de l'époque antique et n'aurait pas été ré-exploité à l'époque moderne. En cours d'étude et de fouille, le site n'a pas encore révélé tous ses secrets. Petite précision : Mehatze viendrait de « mehategi » qui signifie « mine » en basque.
Quelques mètres plus loin, à Bordako lepoa, nous nous sommes arrêtés à hauteur de vestiges protohistoriques (âge de fer). Un cromlech tout d'abord : ce monument funéraire a été fouillé en 1977 par Jacques Blot. Il renferme une couronne périphérique en double assise disposée autour d’une ciste centrale en forme de fer à cheval contenant des charbons de bois. A proximité, nous avons pu observer deux tumuli, autre monument funéraire composé de terre et de pierres.
Nous avons poursuivi notre balade le long de la clôture en nous intéressant cette fois aux bornes frontières des Pyrénées et au Pays Quint (Kintoa en basque, Quinto Real en espagnol).
Le Pays Quint est situé sur la frontière franco-espagnole, au sud de la vallée des Aldudes, appartenant à l'Espagne, mais exploité par la France (Traité de Bayonne signé en 1856). C'est une zone de pâturages et de bois qui s'étend sur deux à six kilomètres pour une surface de 2 500 hectares.
Jusqu'en 1700, le Pays Quint était bien plus vaste qu'aujourd'hui et s'étendait sur les terres des Aldudes, Banca et Urepel alors inhabitées et indivis.
Cette zone de pâturage était exploitée par les vallées du Baztan, Burguete, Erro, Roncevaux et Valcarlos en Espagne et par le pays de Baigorri (Anhaux, Ascarat, Baigorri, Irouléguy, Lasse) en France. Les habitants avaient un droit de jouissance et envoyaient généralement les fils cadets faire paître les bêtes. Ceux-ci avaient le droit d’y construire une cabane, de défricher, de faire un enclos en pierres... mais pour une durée déterminée. Passé ce délai, ils devaient détruire leurs installations provisoires (en basque « labaki » pour désigner ces zones défrichées encerclant l'habitation). Mais certains cadets ne respectèrent pas ces délais et s’y installèrent définitivement, d’où de nombreux conflits. Pour mettre fin définitivement à ces querelles paysannes qui pouvaient être très violentes (avec parfois des morts) et aux conflits avec les vallées voisines, le Traité de Bayonne de 1856 décida de la répartition territoriale et du régime de jouissance du Pays Quint. Les vallées prirent acte et c'est ainsi que l'on vit apparaître de l'habitat permanent. Aujourd'hui, plusieurs familles françaises habitent sur ce territoire. Elles paient l'impôt foncier en Espagne et la taxe d'habitation en France.
La frontière entre la France et l'Espagne est aujourd’hui matérialisée par 602 bornes frontières (ou croix) qui sont numérotées d'ouest en est. Ces bornes ont été plantées en 1785 et après 1856.
La borne n°1 se trouve entre la commune de Vera de Bidassoa et la commune de Biriatou. De nos jours, il n'existe que très peu de bornes d'origine portant la lettre R (« Real »), les autres ayant disparu ou été remplacées.
Quant aux premières bornes, elles remontent à l’an 1400 quand Charles le Noble demanda d’en planter pour limiter les « montes » des Aldudes.
Pour terminer cette sortie sur l'Histoire, nous nous sommes intéressés aux redoutes datant de l'époque militaire napoléonienne. Les redoutes sont des levées de terre bordées de fossés. Au sommet de Xapelarria, nous avons pu observer une redoute aux formes complexes. Cette fortification fut occupée et par l'armée française et par l'armée espagnole.
Il nous restait encore quelques kilomètres à parcourir pour atteindre le col de Lindus pour observer une autre redoute, mais l'après-midi touchait à sa fin et il nous fallait penser au retour. Nous sommes rentrés satisfaits de cette belle journée chaude et ensoleillée en compagnie de Manu, raconteur d'Histoires, passionnant et passionné.